Tokenisation de l’immobilier : opportunité ou miroir aux alouettes ?

LA TOKENISATION de l’immobilier : qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’un processus visant à numériser le droit de propriété par le truchement d’un TOKEN (jeton fongible) ou d’un NFT (jeton non fongible), enregistré sur une BLOCKCHAIN.

LE TOKEN ou le NFT est conservé par son titulaire dans un portefeuille d’actif NUMERIQUE (appelé WALLET). Ce WALLET peut être en ligne, hébergé par une plateforme (HOT WALLET) ou hors ligne (COLD WALLET). Le transfert de propriété se réalise par le transfert du TOKEN/NFT d’un WALLET vers un autre WALLET.

Est-ce possible en France ?

En France, il est impossible de TOKENISER un bien ou un droit immobilier. L’Etat a un monopole et constitue l’autorité centralisée qui garantit les mutations de propriété immobilière au travers du Service de publicité foncière. Il délègue ses prérogatives de puissance publique aux Notaires de France qui agissent en son nom.

Que reproche-t-on à notre Système de transfert de propriété ?

En premier lieu sa lourdeur et l’impossibilité d’investir des petites sommes dans l’immobilier. L’achat d’un bien suppose de détenir au moins quelques dizaines de milliers d’euros.

Le  transfert de propriété est long (au moins deux mois) et cher (droits de mutation et frais d’acte d’environ 7.5%) 

Les Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) offrent une alternative et permettent d’investir des plus petites sommes en se portant acquéreur de parts de sociétés détenant des biens immobiliers. Les achats sont plus rapides mais les frais sont de l’ordre de 10%, ce qui exclut des investissement à court terme. Le minimum d’investissement est de quelques milliers d’euros.

Les avantages de la TOKENISATION

Le transfert de TOKEN ou de NFT est aisé. Il suffit d’en constater la mutation sur la blockchain. Il existe différents protocoles de certification des BLOCKCHAINS (proof of work, proof of stake…) et nous ne développerons pas ce point ici. Toutefois ils ont en commun la rapidité (quelques secondes/minutes) et des frais réduits par rapport aux frais d’acte.

Théoriquement, il est possible de diviser un bien immobilier en autant de TOKEN/NFT que l’on souhaite. On peut donc imaginer 1.000.000 de TOKEN qui représenteraient la propriété d’un bien valant 100.000 euros. LE TOKEN vaudrait 10 centimes d’euros et l’investisseur pourrait investir à partir de quelques euros. L’investissement immobilier deviendrait alors beaucoup plus accessible.

L’immobilier s’ouvrirait aux « petits porteurs » et cette perspective génère beaucoup d’intérêts.

L’extrême liquidité conduirait à la création d’un marché secondaire s’apparentant à une place de bourse, de sorte que les investisseurs pourraient s’adonner à la spéculation et même au trading intraday sur des actifs immobiliers.

Par ailleurs, la dématérialisation permettrait des investissements aux quatre coins du monde et même au-delà : pourquoi ne pas acquérir quelques TOKENS d’un appartement sur la place San Marco à Venise, d’une villa sur les hauteurs de Los Angeles, et un NFT d’une somptueuse propriété avec vue mer dans le METAVERSE ?

Par ailleurs, aux TOKEN/NFT sont attachés des droits (droit d’expression et de participation aux décisions d’administration, droit de percevoir une partie du loyer du bien sous-jacent). 

Certaines BLOCKHAIN proposent également des smart-contract permettant de percevoir le loyer jour après jour, et non une fois par mois ou par trimestre.

Alors quels sont les dangers ?

DANGER numéro 1 de la TOKENISATION IMMOBILIERE : le risque de la garantie

Comme tous les processus liés à la BLOCKCHAIN, la tokenisation se passe d’une autorité centrale. Elle écarte l’Etat. Elle décentralise le processus de transfert de propriété.

La tokenisation empêche toute saisine d’une quelconque autorité. 

Si la blockchain, sur laquelle les TOKEN sont inscrits, disparaît, il n’ y aura aucun garant. 

Si l’application ou la plateforme, fait faillite, il n’ y a pas de garde-fou.

Au contraire, dans notre système, l’autorité centrale garantit le droit de propriété. 

Le notaire est responsable des actes de transfert de propriété et en cas de défaillance, il est assuré.  

Le juge, autre organe de l’Etat, interviendra à la demande du justiciable, si un tiers conteste sa propriété.

DANGER numéro 2  de la TOKENISATION IMMOBILIERE : le risque de la conservation

Les TOKEN/NFT sont en pratique des codes cryptés conservés dans un WALLET accessible uniquement par son titulaire via une clef privée (un code complexe en général). Cette clef privée peut être égarée ou oubliée. Le WALLET est alors inaccessible.

Si le TOKEN est hébergé dans un COLD WALLET (sorte de petit disque dur), cet outil peut être détruit ou perdu. Si le TOKEN est hébergé dans un Hot WALLET, la plateforme peut faire faillite. Dans ces hypothèses, les TOKEN/NFT deviennent absolument inaccessibles.

De même en cas de succession, il n’y a actuellement pas de réglementation en la matière, et le risque de perte de la clef privée est encore plus grand.

Au contraire, dans notre système, le notaire et le service de publicité foncière assurent la conservation du titre de propriété. En cas de perte de la copie de l’acte, le notaire en éditera un nouveau. Si le notaire décède ou se retire, son successeur le remplacera. Si l’office disparait, les actes sont transmis à un autre office. In fine, les actes sont conservés au service de publicité foncière et aux archives de France. 

DANGER numéro 3  de la TOKENISATION IMMOBILIERE : le risque fiscal

La mutation de droits immobiliers génère la perception de droits (droits d’enregistrement, impôt sur la plus-value immobilière, droits de succession).

L’administration fiscale française ne s’est pas encore prononcée officiellement sur les TOKEN immobiliers (dans la mesure où ils ne sont pas autorisés en droit positif).

Il faudra toutefois qu’elle se positionne concernant les TOKEN immobiliers étrangers qui seraient détenus par des résidents français. À n’en pas douter, elle appliquera par analogie la fiscalité immobilière, ce qui risque de générer de grosses surprises pour les investisseurs.

Dans notre système, la fiscalité est lourde mais elle est connue, juridiquement garantie, et opposable tant à l’administration qu’au contribuable.

Si la TOKENISATION IMMOBILIERE n’existe pas en France, pourquoi en parler ?

Des plateformes/start-up/ applications se sont développées et proposent par l’intermédiaire des STO (SECURITY TOKEN OFFERING) de TOKENISER indirectement un bien immobilier en France.

En réalité, il s’agit d’une tokenisation du registre des actionnaires d’une société non cotée qui a acquis de manière classique un bien immobilier sous-jacent.

C’est l’autorité des marchés financiers qui est compétente pour contrôler cette activité.

Il est donc possible, malgré l’interdiction légale de TOKENISER un droit immobilier, d’investir en France dans des « TOKEN  immobiliers ».

Compte tenu des dangers mentionnés ci-dessus, n’hésitez pas à nous demander conseil !

Auteur : Me Laurent LIBOUBAN

1 commentaire

  • Bensoussan Frederic says:
    1 septembre 2023

    Bonjour,
    Merci pour cet article très intéressant qui propose une vision plus objective de ce nouvel outil. Cependant j’aimerais avoir la possibilité de discuter de notre projet avec un expert si cel est possible ?

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