Succession : quel devenir pour un portefeuille de cryptomonnaie ?
Blockchain et cryptomonnaies
Les cryptomonnaies ont été récemment définies dans le Code monétaire et financier comme « toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ». Ce n’est donc pas une monnaie au sens du droit français (même si elle en porte le nom) mais un simple moyen d’échange, à la condition que les parties en conviennent.
La naissance des cryptomonnaies est liée à la volonté d’indépendance des institutions centrales et des banques en suite de la crise des subprimes. Celle dont on entend le nom régulièrement est le bitcoin, monnaie qui repose sur la technologie de la blockchain (dénommée Bitcoin). La blockchain étant une technologie de stockage et de transmission d’informations, sans organe de contrôle central (l’équivalent de Uber sans Uber) où ce sont les utilisateurs de la blockchain qui vont y sécuriser les données et transactions (et qui seront rémunérés en bitcoin).
L’anticipation du devenir du portefeuille de cryptomonnaies
Si, au cours de leur vie, les particuliers détenant diverses cryptomonnaies dans leur portefeuille (dit wallet soit sur un site internet ou alors hors ligne, sous forme de clé usb) achètent et vendent celles-ci, en tirent des profits (imposés au taux du prélèvement forfaitaire unique ou flat tax soit 30% à ce jour mais dont la fiscalité est à nouveau débattue dans le cadre du PLF 2022 afin de favoriser les petits porteurs), il est beaucoup plus difficile de retrouver une trace ces actifs dans le cadre de leur succession lorsqu’ils n’ont pas été à nouveau vendus, convertis en devises et transférés sur un compte bancaire.
En effet, si le notaire, dans le cadre du règlement d’une succession, interroge les divers établissements bancaires et assurances, ou encore les registres recensant les comptes bancaires (FICOBA) ou les assurances vie (FICOVIE), il ne peut avoir connaissance d’un portefeuille composé de cryptomonnaies, sauf à ce que l’existence de ce portefeuille soit révélée par les héritiers. Cela étant, que faire d’un portefeuille dont on a connaissance mais dont on ne connaît pas les code d’accès ?
A titre de comparaison, s’il est possible depuis n’importe quel compte Facebook de déclarer le décès d’une personne afin de clôturer son compte et le transformer en compte commémoratif ou le supprimer, la difficulté est tout autre en ce qui concerne un portefeuille de cryptomonnaies dont l’accès est protégé par un mot de passe.
Pour se prémunir contre cette difficulté, le notaire devra prendre l’habitude de conseiller aux clients d’inscrire dans un testament, qu’il enregistrera au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV), toutes les informations pour déverrouiller l’accès au portefeuille.
La solution qui a été avancée lors du Congrès des notaires qui s’est tenu en septembre 2021 a été la mise en avant du testament mystique, qui est un testament rédigé par le testateur lui-même (ou par un tiers) et remis au notaire clos et scellé en présence de deux témoins (déposé par le notaire au FCDDV avec l’accord du testateur).
Naturellement, en cas de modifications des codes d’accès, il faudra que le testament soit à nouveau modifié pour être mis à jour, ce qui demande une certaine discipline de la part du testateur.
Un actif successoral comme un autre
Les cryptomonnaies ont été pointées du doigt puisqu’elles favorisent un certain anonymat de son détenteur et ont ainsi, surtout lors des prémisses, permis d’acheter ce que le droit qualifie de choses qui ne sont pas dans le commerce (ancien article 1128 du Code civil) sur un internet parallèle (le « Dark web »). Naturellement, si la volonté d’anonymat peut être souhaitée durant la vie du défunt, il est nécessaire pour le notaire d’avoir connaissance de ce portefeuille afin de l’intégrer à l’actif du patrimoine du défunt. Ce n’est pas parce qu’il s’agit encore d’un sujet dont les contours doivent être précisés qu’il ne fait pas l’objet d’une taxation lors de l’ouverture d’une succession.
Ainsi, comme tout actif successoral, les cryptomonnaies seront soumises (après abattement en fonction du lien de parenté : 100.000 Euros au profit d’un enfant, 15.932 Euros au profit d’un frère ou d’une sœur, 7.967 Euros au profit d’un neveu ou d’une nièce) à imposition, la valeur étant retenue pour les valoriser étant celle du jour du décès (avec un certain risque de volatilité toujours présent entre la date du décès et lors du paiement des droits de succession, comme en témoignent les crashs de décembre 2017 et avril-mai 2021).
NB : en ce qui concerne les droits de succession en ligne directe (parent – enfant), les droits applicables figurent ci-dessous :
FRACTION DE PART NETTE TAXABLE | TARIF APPLICABLE |
N’excédant pas 8 072 € | 5 % |
Comprise entre 8 072 € et 12 109 € | 10 % |
Comprise entre 12 109 € et 15 932 € | 15 % |
Comprise entre 15 932 € et 552 324 € | 20 % |
Comprise entre 552 325 € et 902 838 € | 30 % |
Comprise entre 902 839 € et 1 805 677 € | 40 % |
Au-delà de 1 805 677 € | 45 % |